Printemps perdu 1990, 89 minutes

Un film d'Alain Mazars
Produit par N.T Binh
Sélectionné à la QUINZAINE DES REALISATEURS de Cannes 1990.
Prix de la JEUNESSE du Festival International de Cannes.
Prix spécial du Jury au Festival International de Florence.
Prix de Montréal (premier long métrage de fiction) au Festival international de Montréal.
Prix "Léonard de Vinci 1989" du Ministère des Affaires Etrangères.
Sélectionné des festivals de Montréal, Florence, Toronto, Singapour, Istambul,
Chicago, Tokyo, Hong Kong, Jerusalem, Mannheim, Gand...
Sortie en salles en 1990. en France et à l'étranger. (Pays Bas, Canada, Belgique...).
Musique : Olivier Hutman

Synopsis

Yen, ancien chanteur exilé en Mongolie, tombe amoureux de Ling Ling, jeune fille d'une fulgurante beauté. Il l'épouse mais découvre qu'elle cache un secret. Une histoire d'amour fou, filmée en Chine et en chinois par un réalisateur français.

TELERAMA. 29 novembre 1990.

La Chine, Alain Mazars connaît. De là à tourner en chinois ! Il l'a pourtant fait. Une histoire d'amour fou, toute en délicatesse. Un film beau et subtil comme une estampe.
La Chine, au moment de la Révolution Culturelle. Yen, un chanteur d'opéra, est arrêté pour avoir osé dire à son directeur ce qu'il pensait de lui. En prison, il s'évade par le rêve, en imaginant des scènes de son opéra préféré, LE PAVILLON AUX PIVOINES, une oeuvre qu'il a toujours désiré mettre en scène. L'Héroïne de cet opéra vit avec une croyance profonde: le premier amour - le seul vrai - survit à la mort. Yen partage fermement cette foi.
Libéré, il se retrouve dans un coin désolé de Mongolie. Là, il épouse Ling Ling, une jolie chinoise un peu triste, dont le regard semble perdu dans le passé. Et ce passé resurgit soudain avec l'apparition d'un ami d'enfance de la jeune fille, toujours amoureux d'elle. Comme cet amour est réciproque, Yen s'incline. Il traverse simplement la rue. Il s'efface.
Tout, dans ce film d'Alain Mazars, dont c'est le premier long métrage, est à la hauteur de ce renoncement. Les personnages sont noblesse, pudeur, délicatesse. Ils se meuvent presque au ralenti dans des plans fixes, superbes, qui nous restituent l'univers théâtral où vit en permanence le héros, obsédé par son opéra. Ce qu'Alain Mazars filme à merveille, c'est le moment où la distance apparente entre les êtres s'abolit: un flash-back nous montre Ling Ling séparée de son amie d'enfance. Mais les amants ont appris à se rejoindre par la pensée, à des moments bien précis, connus d'eux seuls. Et quand son mari regarde Ling Ling par la fenêtre, de l'autre côté de la rue, on sent dans l'intensité de son regard que, pour lui, elle est toujours là.
Pour porter ces grands sentiments à incandescence, Alain Mazars use du plan fixe, mais pas uniquement. On se croit installé dans un style très contemplatif, et c'est soudain un mouvement de caméra chaotique, dans un train en marche: nous avons quitté la vision de Yen, le poète, pour entrer dans le récit de l'ami de sa femme. Les personnages semblent-ils se figer à nouveau ? C'est une foule d'enfants qui envahit l'écran en courant, et se précipite pour voir le héros jouer en public des extraits de son cher PAVILLON AUX PIVOINES...
Yen apparaît alors sur scène, costumé en femme. C'est la séquence la plus mystérieuse du film. C'est aussi la plus déroutante pour le public occidental, peu habitué à cette gestuelle qui tient de la danse et de la cérémonie magique. Car ce qui se passe alors entre Yen et Ling Ling, assise avec son ami au milieu des spectateurs, relève de l'invisible.
Devant ce personnage qui chante son désir de s'endormir pour rejoindre en songe l'être aimé, la jeune femme, désemparée, comprend que l'amour de son mari est resté vivant. Yen, de son côté, par son art, a totalement sublimé cet amour. Il a fait coïncider l'opéra et sa propre vie. Il semble parti pour un ailleurs, persuadé que sa femme le rejoindra tôt ou tard.
A force de distance et de retenue, la caméra d'Alain Mazars capte ces imperceptibles glissements du sentiment amoureux. PRINTEMPS PERDU est construit comme un long flash-back. Dès le début, Yen raconte sa vie en marchant lentement au bord d'un lac, devant un paysage qui a la douceur d'une estampe. Mais, à plusieurs reprises, au long de son récit, on a la sensation de basculer en plein onirisme."Qui sait, disait Pascal, si cette moitié de la vie, où nous pensons veiller, n'est pas un autre sommeil dont nous nous éveillons quand nous croyons dormir ?  Bernard Génin

LE MONDE. 29 novembre 1990.

Mazars connaît et aime la Chine. Il y a tourné "PRINTEMPS PERDU".
Peut-être se souvient-on d'un film étrange et beau, qui passa rapidement à l'automne 1987 : AU-DELA DU SOUVENIR. Il avait été tourné en Chine Populaire par Alain Mazars, coopérant enseignant français en 1978-79, et qui, fasciné par le pays, par sa culture, y était venu plusieurs fois, en cinéaste. AU-DELA DU SOUVENIR était l'histoire d'un chanteur d'opéra séparé de sa femme enceinte par la Révolution Culturelle. Sept ans plus tard, revenu dans son village, il scrutait les visages d'enfants, espérant reconnaître celui de l'enfant du couple, jamais vu... L'itinéraire était symbolique, et les recherches esthétiques passionnantes. Or, PRINTEMPS PERDU, tourné en octobre et novembre 1988 avec un petit budget, et une autorisation, est également l'histoire d'un chanteur d'opéra chinois, envoyé en prison au début de la Révolution Culturelle. En cellule, Yen Yue Jun a retranscrit une oeuvre qu'il aime particulièrement, LE PAVILLON AUX PIVOINES. Libéré, il se fait chauffeur routier, épouse Ling Ling. Cette partie critique est rapidement traitée: comme dans AU-DELA DU SOUVENIR, le sujet réaliste recouvre à peine un thème romantique. Ling Ling aime depuis l'enfance - ce qui vaut un magnifique retour en arrière à la PETER IBBETSON - un certain Feng Feng qui réussit à la retrouver. Le coeur bisé, Yen Yue Jun s'incline devant cet amour dévorant, plus fort que la séparation et la mort. Il transpose sa souffrance dans la représentation du PAVILLON AUX PIVOINES qu'il donne dans son village. Ainsi s'affirme l'univers d'Alain Mazars, par une thématique de l'amour et du rêve, par l'exaltation d'un genre musical et artistique, très différent de l'opéra occidental. Le film est presque entièrement tourné en couleurs bleues, oniriques, rappelant les vêtements chinois de l'époque. Les personnages sont souvent isolés dans des espaces vides ou filmés en gros plans contemplatifs. Alain Mazars, qui domine à présent son style, est un metteur en scène de la rigueur et de la pudeur. En s'appuyant sur l'opéra chinois, il invente un romantisme authentique et c'est par l'esthétisme que se communique l'émotion.  Jacques Siclier

L'EVENEMENT DU JEUDI. 29 novembre 1990.

En 1966, pendant la Révolution Culturelle, un chanteur d'opéra accusé d'être contre-révolutionnaire passe des années dans des prisons et dans des camps de rééducation avant de devenir conducteur de camion. Dans un petit village, obsédé par son opéra préféré, LE PAVILLON AUX PIVOINES, qui représente le moment où, pour lui, la vie s'est arrêtée, il réussit à le mettre en scène et à l'interpréter à nouveau. Mais le spectacle et la vie se rejoignent, et il perdra la femme qu'il aime. Réalisé en Chine dans des conditions héroïques, ce premier film au titre à la OZU est un mélodrame exemplaire, aux images poétiques, et à l'extrême délicatesse. La beauté y est plus secrète que convulsive, pour s'imposer avec une évidence tranquille. Dominique Rabourdin

LE CANARD ENCHAINE. 29 novembre 1990.

Regards furtifs, effleurement des doigts, cris d'amour retenus illuminent cette histoire moderne d'amants ballottés entre Pékin et la Mongolie Intérieure. Ce chef d'oeuvre de porcelaine est plus instructif qu'un documentaire et plus émouvant qu'un mélodrame. F.P.

L'EXPRESS. 29 novembre 1990.

Alain Mazars a tous les culots. Il en faut pour choisir comme thème d'un premier long métrage un mélodrame contemporain et onirique dont l'ingrédient de base est un opéra chinois. PRINTEMPS PERDU est d'une beauté rare, une pause dans le matraquage ordinaire d'images clipées, bien scandées.
Mazars exalte la puissance du désir et du sentiment dans une société, la Chine de la Révolution Culturelle, qui le nie... La magie vient du dépaysement, du décalage entre les époques, entre le rêve et la réalité. Décidément ambitieux, Mazars mêle l'intrigue du PAVILLON AUX PIVOINES, dont le héros concentre tout le romantisme qui palpite encore chez les chinois, au drame de Yen. Une lumière bleutée appuie l'impression d'illusion : l'esthétisme, ici, renforce l'émotion. Mazars filme ses comédiens avec une grâce sensuelle. Jonglant avec des bouts de ficelle, un budget dérisoire et les pires difficultés sur place, il a réalisé une oeuvre à part, fluide, intense, qui laisse les imaginations vagabonder. Dominique de Saint Pern

LIBERATION. 1er décembre 1990.

Alain Mazars est un jeune homme gonflé. Il y a quelque années, après avoir appris le chinois, il est envoyé comme coopérant dans l'empire post-maoïste. Amoureux du pays mais très rétif aux discours officiels, il tourne cinq moyens métrages dont AU-DELA DU SOUVENIR.
PRINTEMPS PERDU commence dans une couleur froide. Mazars y installe une atmosphère de drame oppressant dans une lumière d'hiver sans miséricorde. Quand il retrace les amours enfantines des eux futurs amants, il réussit à renflouer la coque sentimentale de sa jonque cinématographique et à lui donner l'allure d'un joli mélo. Le film vole sur les eaux agitées du lyrisme quand Yen décide de transposer sa tristesse en montant son opéra préféré. Porté par les voiles du rêve et de l'art traditionnel chinois, PRINTEMPS PERDU démontre alors que son jeune metteur en scène domine aussi bien l'art de poser sa caméra à distance respectueuse des violents sentiments qu'elle enregistre que sa connaissance de la carte du Tendre et de la culture chinoise. La vraie culture chinoise, celle qui continue de briller malgré les coups de barre de la dictature communiste sous toutes ses formes. Alain Mazars a réalisé le PRINTEMPS PERDU avant la tempête de la révolte des étudiants pékinois et sa répression, avant l'autre "printemps perdu".  Edouard Waintrop

FIGAROSCOPE. 29 novembre 1990.

.... un beau propos que le cinéaste traite d'une façon distanciée, savante et raffinée, sans un soupçon de pathos, avec des images qui baignent dans le bleu de la nostalgie. Un film aussi exigeant, tant sur le fond que dans la forme. Si loin de chez soi : c'est un tour de force. Françoise Maupin

L'HUMANITE. 30 novembre 1990.

Un hommage d'un réalisateur français à la culture extrême-orientale. Mazars illustre la peine d'un homme avec la délicatesse de la tradition chinoise. Un accord étrangement convaincant. Claude Sartirano

France SOIR. 29 novembre 1990.

Ce film est un exploit. Malgré les tracasseries administratives subies, Alain Mazars a réussi à y tourner un film contre les abus de toute dictature. 

PREMIERE. Décembre 1990.

Alain Mazars est un pur. Il connaissait déjà bien la Chine. Pourtant, au-delà des difficultés majeures qu'il y a à tourner là-bas un simple documentaire, il s'est entêté à réaliser une véritable fiction... Alain Mazars est français. Les rares spectateurs qui ont vu son tout premier film ROUGES SILENCES en 1977, savent qu'il est cinéaste jusque dans ses moindres fibres. Parcoureur de la Chine depuis belle lurette, il n'a rien trahi, en voyageant, de son talent originel. Il a su arracher aux pesanteurs d'un continent décourageant un film grave et juste. Avec la beauté de son actrice RU PING et la justesse de tous les autres comédiens, Alain Mazars plaide à chaque plan contre les chaos de l'histoire pour le retour à la vie privée, contre la raideur des systèmes pour la force de l'amour. Qui dit mieux ? Jean-Jacques Bernard

LA CROIX. 29 novembre 1990.

Alain Mazars est un cinéaste des émotions. Il a longtemps mûri son art dans un cinéma de recherche souvent singulier, où la forme d'un film compte autant, sinon plus, que l'histoire racontée. Un montage minutieux et inhabituel, des cadrages élaborés, une musique composée sur mesure, viennent nourrir, sans chocs visuels, l'imagination du spectateur. Comme l'agencement des mots peut créer la poésie, les images suggèrent ici des sentiments, bien plus qu'elles ne les expliquent, laissant de grands espaces de mystère. PRINTEMPS PERDU (Prix de la Jeunesse à Cannes et de la Première Oeuvre à Montréal) est la première synthèse d'une démarche après des moyens métrages plutôt confidentiels comme AU-DELA DU SOUVENIR... Joué uniquement par des acteurs chinois, ce film est un développement sur le sentiment amoureux. Le décor naturel, géométrie d'un horizon hachuré par des rideaux d'arbres, approche la stylisation d'un décor de théâtre. Les dialogues sont recouverts, dans les dernièes scènes, par le bruit du vent. On atteint alors, par la seule force des images, une intimité douloureuse avec les sentiments des personnages. Philippe Rouyer

LE FIGARO. 22 mai 1990.

Sélectionné à LA QUINZAINE DES REALISATEURS, il faut goûter les beautés secrètes du jardin intérieur des personnages, de ce fruit d'une coopération franco-chinoise réussie. Alexandre Bourmeyster

CINEMA 90.

Alain Mazars est l'auteur de plusieurs moyens métrages qui furent remarqués et primés entre les festivals de Belfort et Hyères. Nous donnons au film la palme de CINEMA 90 pour son image, pour la musique d'Olivier Hutman, voire pour l'ensemble d'une oeuvre parfaitement maîtrisée. Gérard Pétillat

L'ANNEE DU CINEMA. 1991.

C'est un film secret, mystérieux au scénario tempétueux et romanesque. Plusieurs récits se croisent, à l'image du destin des personnages. Mais la mise en scène, elle, est d'une retenue et d'une épure extrêmes. Magiquement, ce fond et cette forme disparates s'épousent. PRINTEMPS PERDU est un film fascinant. 

POSITIF. juillet 1990.

Ce film conjugue les vertus d'une recherche formelle de plus en plus rare dans le cinéma contemporain et d'un climat pas si éloigné de certains films noirs américains qu'un titre résume à merveille, OUT OF THE PAST de Jacques Tourneur, cette "griffe du passé" soulignée par le titre français qui marque ceux qui ont vécu des événements forts. PRINTEMPS PERDU est construit sur un double retour en arrière. La structure rigoureuse du récit en 3 parties rend compte de la complexité de l'oeuvre, réflexion sur la politique et plus encore sur l'art et l'amour. Si les rapports des personnages se voient constamment enrichis par les images de l'opéra LE PAVILLON AUX PIVOINES dont l'intrigue, sans être parallèle aux destins des héros du film, n'en offre pas moins des contrepoints émotionnels, c'est dans la dernière partie du film que la mise en scène de cet opéra est à son tour contaminée par des plans qui retracent la vie des personnages. Ce n'est pas seulement le leitmotiv fourni par l'opéra qui permet de parler à propos de ce film de structure musicale mais l'ensemble de son esthétique, depuis la superbe partition d'Olivier Hutman jusqu'au jeu des comédiens. La façon dont Alain Mazars traite par exemple les couleurs, confirme que rien dans PRINTEMPS PERDU n'est laissé au hasard. Ce contrôle extrême n'étouffe jamais pour autant l'émotion, émotion à laquelle fut sensible le jury des jeunes qui décerna son prix au film d'Alain Mazars. Michel Ciment

POSITIF. Novembre 1990.

Par le raffinement exceptionnel de ses images comme de sa construction, PRINTEMPS PERDU est de ces films qui non seulement ne prennent toute leur portée que sur l'écran de cinéma, mais qui réclament également d'être revus. La fascination qu'il exerce tient à la fois à son rythme singulier et au comblement particulier d'une attente en matière de dépaysement. L'importance de l'opéra chinois KUN QU dans le récit affecte ces deux aspects et contribue de manière essentielle à la magie de l'ensemble. Ce film se rapproche de certains films de Minnelli ou Powel (Yolanda et le voleur, les chaussons rouges) où monde vécu et monde rêvé se prolongent et se reflètent l'un l'autre... Pascal Pernod

LA REVUE DU CINEMA. Novembre 1990.

Alain Mazars évolue méthodiquement vers un cinéma de plus en plus construit, achevé, conscient de lui-même. Le scénario a été écrit ici sans être pour autant un carcan, où les acteurs jouent tout en étant eux-mêmes, où l'image résulte d'un superbe travail sur la lumière. Jacqueline Nacache

LES ECHOS. 30 novembre 1990.

Sélectionné à Cannes par LA QUINZAINE DES REALISATEURS, le film mérite d'intéresser les cinéphiles épris d'autres horizons, d'autres sensibilités, d'autres cultures. Car il est beau, émouvant, et très accessible. L'histoire qu'il raconte est très simple et très belle... Tourné avec beaucoup de difficultés, le film a la beauté d'une estampe, offre de la Mongolie des images superbement désolées et, par sa gravité sans , sa pudeur et son intensité, émeut. On a du mal à l'oublier. Annie Copperman

CAHIERS DU CINEMA. Février 2020.

Découverte. Les tribulations d'un français en Chine. Connaissez-vous Alain Mazars ? Les Journées cinématographiques de Saint-Denis fêtaient leurs 20 ans et proposaient pour l'occasion une programmation foisonnante construite autour du rêve. On pouvait y découvrir PRINTEMPS PERDU du discret Alain Mazars, que l'un des programmateurs du festival, Vincent Poli, présentait comme « un Robert Bresson qui se promènerait seul dans la campagne chinoise ». De quoi intriguer les cinéphiles. Alain Mazars fut, de fait, envoyé en Chine en 1978 à 23 ans pour y enseigner les mathématiques auprès des enfants d'expatriés français. Après un premier séjour décevant, il retournera dans la République populaire au début des années 80, avec une licence de mandarin en poche. C'est à ce moment qu'il réalise ses premiers films chinois (1986) - un film expérimental - puis un long métrage de fiction, PRINTEMPS PERDU, en 1990. À peine le film a-t-il commencé (par un monologue intérieur en chinois embrassant un paysage hivernal) qu'on ne pense plus à la nationalité du cinéaste, tant celui-ci se tient loin de tout orientalisme et parvient avec une simplicité désarmante à concilier lucidité politique et songe poétique. Yen, un chanteur d'opéra, est envoyé dans un camp de rééducation en Mongolie après avoir critiqué un membre du parti. Là-bas, il rêve chaque jour de son opéra préféré, LE PAVILLON AUX PIVOINES, et reçoit la visite fantomatique de Du Liniang, l'amoureuse éperdue de la pièce. Après sa libération, Yen décide de rester vivre dans un village désolé de Mongolie. Il est bouleversé par la beauté de Ling Ling, une villageoise qu'il finit par épouser, mais dont la mélancolie cache un secret. C'est par un montage musical et impérieux que Mazars transfigure son récit, entrelaçant les temporalités et les narrateurs dans la tourmente des amours impossibles. Les personnages de PRINTEMPS PERDU semblent tous habités par une invisible présence qui guide les moindres de leurs mouvements intimes ... Paola Raiman

POSITIF No 650. Avril 2015.

... Français, dans la tradition sobre et noble du théâtre classique, mais tourné en Chine et en chinois, PRINTEMPS PERDU est sans aucun doute l'une des oeuvres les plus singulières de notre cinéma. De surcroît, c'est un bon film. Alain Masson

POSITIF No 357. Novembre 1990.

Pourquoi la Chine ? Pourquoi une histoire chinoise en langue chinoise avec des acteurs chinois ?
J'ai passé en 1978-1979 un an et demi en Chine en tant que coopérant. J'y enseignais les mathématiques. Cela dit, pour moi, l'histoire de Printemps Perdu n'est pas vraiment chinoise. Il s'agit plutôt d'une tentative d'établir un pont entre ma culture occidentale et la culture chinoise. Les références du film sont autant occidentales que chinoises.

Nous y reviendrons. Mais comment êtes-vous passé du cinéma expérimental au film de fiction ?
De la façon la plus naturelle. J'ai réalisé des films expérimentaux pendant une douzaine d'années ; j'ai commencé en super 8, il s'agissait d'une auto-initiation. J'ai persévéré en essayant de trouver mon propre langage. Mais Je n'ai pas fait d'école de cinéma parce que je craignais de me confronter à une structure scolaire. J'ai obtenu quelques prix. Avec ce film-ci, j'ai pu pour la première fois appliquer mes recherches intuitives, mais en partie seulement, puisque seuls quelques uns de mes films antérieurs ont des rapports thématiques avec Printemps Perdu.

À quel moment est venu s'insérer dans votre projet l'opéra Le Pavillon aux pivoines ?
J'ai découvert cet opéra au Festival d'automne à Paris en 1986, interprété par la grande chanteuse Zhang Jiqing qui a dans son pays une réputation analogue à celle de Maria Callas chez nous. L'histoire m'a bouleversé, notamment, on y revient, parce qu'elle constituait un pont entre la culture chinoise et la culture occidentale. En effet la référence au rêve, pour moi, évoque directement le surréalisme et un de ses précurseurs, George Du Maurier, l'auteur de Peter Ibbetson. C'était ce que je recherchais pour exprimer ma fascination à l'égard de la Chine en même temps que mes racines occidentales. Je ne suis pas chinois et je n'ai pas cherché à imiter un réalisateur chinois. Le film n'a rien de chinois dans son style. Sa thématique seule est à cheval sur les deux cultures.

La référence à Peter Ibbetson est donc plutôt une référence au roman qu'au film de Henry Hattaway ?
Il n'y a de référence consciente ni à l'un, ni à l'autre. J'ai lu ce livre avant de voir le film, mais j'avais alors pratiquement terminé mon scénario. N.T. Binh m'a signalé la ressemblance et m'a conseillé de lire le roman. J'ai adoré ce livre et constaté des points communs ...

Comment a été pris le parti de fragmenter l'opéra ? On ne voit que de très brefs extraits et, au début au moins, que des parties des corps des chanteurs.
Dans le découpage, l'interférence continuelle entre l'opéra et l'histoire était déterminée de façon générale, mais beaucoup moins dans le détail. Je crois beaucoup à ce que peut révéler le montage. Au tournage, on trouve des mots, des phrases, des morceaux de paragraphes ; au montage, tout s'articule. Honnêtement, il aurait été difficile de prévoir au découpage toutes les interactions.

Cet opéra ne joue-t-il pas un rôle tout à fait différent pour un spectateur chinois et pour un spectateur occidental puisque l'un le connaît, l'autre non ? Pour nous, il ne fait en un sens qu'ajouter à l'énigme.
Le film est fait en premier lieu pour un spectateur occidental. J'apprends que les chinois de la diaspora et qui sont originaires du sud de la Chine aiment beaucoup le film, tandis que ceux du nord, de sensibilité différente, ont un sentiment plus réservé. L'opéra, qui a été écrit par Tang Xianzu, un contemporain de Shakespeare auquel les chinois le comparent volontiers, émane de la culture du sud. Le Pavillon aux pivoines qui a pour ceux-ci l'importance qu'a pour nous Romeo et Juliette est pour moi relié au surréalisme et à la tragédie française classique. Racine et Corneille transposaient leurs histoires dans la Grèce ou la Rome antiques avec des références à Sophocle, à Euripide, donc à des civilisations qui n'étaient pas les leurs. Cela provoquait une distanciation poétique. Il n'y a donc pas vraiment lieu de s'étonner qu'un cinéaste français tourne en Chine une histoire chinoise ... Alain Masson et Philippe Rouyer. Entretien (extrait).

LES FICHES DU CINEMA.

Un auteur très personnel qui a trouvé sa pleine mesure